Chronique 12

Et c’est sans introduction mes chers lecteurs que je vous ré emmène avec moi dans cette course dans les escaliers, en pleine fuite d’une ombre inconnue.

Dévalant les marches, mes pensées criaient, beuglaient dans une cacophonie incompréhensible. Bien que certaines restaient portées sur le mouvement de la (magnifique) chevelure ébène de ma coéquipière, nombreuses étaient celles contaminées par l’inquiétude de notre course. Nos chaussures heurtaient les marches 4 à 4. L’escalier en colimaçon n’était plus qu’un cadre flou qui ne nous suivait pas toujours. Nos mains s’accrochaient aux barrières jusqu’aux ongles, dans un réflexe animal de garder un point d’accroche.

Les tableaux défilaient, parfois des paysages, des cartes, des notes. Ils avaient tous les mêmes teintes jaunies par les années et cachés de la lumière. Comme endormis, dans l’attente constante qu’on vienne les détacher de ces murs rongés par cette force inconnue qu’on ne saurait d’écrire. J’aurais aimé pouvoir mettre fin à leur sommeil, les libérer des griffes de ce monstre au cœur battant. J’aurais vraiment aimé chers lecteurs.

Mais à l’heure actuelle, ma seule directive était celle de suivre mon amie fugitive dans sa course, sans poser de questions.

La porte était en vue, devant nous. La libération était en vue. Nous pouvions enfin quitter les infinies courbes de cet escalier maléfique. La vitesse de notre chute nous projeta contre celle-ci. J’aurais aimé une première étreinte plus subtile je vous avoue, mais l’heure n’était vraiment pas aux cajoleries. Dans le choc, les murs tremblèrent. Les tableaux crièrent et les marches grincèrent. La panique de l’architecture me fit frissonner. C’était comme si l’escalier perdait connaissance dans la panique.

Aussitôt, la crainte des marches se justifièrent. D’immenses chocs se firent sentir. Les bruits assourdissants prirent possession de l’aile droite. Comme si quelque chose tombait ? Dévalait ? Frappait l’escalier ?

Mon regard chercha celui de Gwen mais la terreur lui cachait la vue. Une ombre immense apparue en haut des marches, plongeant dans la pénombre les cadres effrayés. Sans me poser de questions, ma main tourna la poignée et je nous fis tous les deux tomber à la renverse dans le sas de décontamination. Un coup de pied machinal claqua la porte derrière nous, une feuille de papier entre nous et ce brasier.

Un dernier choc se fit entendre. La porte tressaillit. Notre chasseur venait de se heurter au même endroit que nous, à la seule différence que seule une forme sombre et crochue vint perforer notre feuille de papier.

Un cri retentit. Un mélange de douleur, de rage et d’incompréhension. Des aigus, des graves, des fréquences inconnues.

C’est fini. L’ombre est partie, laissant cette griffe transpercer la porte sans son propriétaire. Le sang glacé, toujours à terre, moi et Gwenaelle restèrent dans ce silence pendant quelques temps.

Bien à vous, Louis.